Le premier décembre prochain, le nombre minimal de PNC réglementaire sur A330 sera de 8, contre 6 actuellement.
Comment en est-on arrivé là ? Quid des autres avions ?
Dans le BSPN 1452 du 26 août dernier, ALTER rappelait les valeurs du nombre de PNC réglementaires en fonction de l’avion. Pour l’A330-200, nous indiquions « 8 » là où Air France applique « 6 ».
Air France invente ses propres règles
Cette différence de « lecture » du règlement fait l’objet d’une assignation devant les tribunaux, lancée par l’UGIT-CGT PNC et ALTER en avril 2023. Il est édifiant de constater à quel point Air France, par l’intermédiaire de son cabinet d’avocats, traine des pieds pour apporter ses propres conclusions et communiquer des documents complets.
L’une des pièces juridiques communiquée par Air France en mars dernier, dans le cadre de ce procès, faisait ressortir le sentiment d’impunité qui anime la direction : l’ajout d’une phrase concernant le nombre de PNC minimum dans un document qui n’a pas vocation à contenir ce type d’information. Il est « risible » de constater la décontraction qu’elle a eu à transmettre cette « pièce » de façon éhontée, tel un gamin pris la main dans le pot de confiture et qui tend son autre main en pensant que personne ne découvrira le subterfuge : En ne transmettant qu’une page d’un document de 35 pages dont il était issu et qui s’intitule le « CABIN CREW OPERATING MANUAL SUPPLEMENT » de l’A330, la direction a tenté le mensonge par omission. Il aura fallu attendre le 1er octobre de 2024, pour avoir l’ensemble du document. C’est cette même décontraction qui permet à la direction de répondre inlassablement depuis des années : « notre Manex A a été déposé à la DGAC, il est donc conforme ! ». Circulez, y’a rien à voir !La compagnie s’appuie sur ce document, rédigé par elle-même, pour faire valoir sa position. Ce n’est pas parce qu’on écrit que la terre est plate, qu’elle est plate.
Heureusement que ce ne sont pas les juristes de la direction qui régissent la Sécurité des Vols !
Hors la loi
L’EASA vient de rappeler indirectement cette dure réalité en répondant le 17 octobre dernier à un courrier de l’UGIT-CGT PNC concernant le nombre minimum de PNC réglementaire sur A330-200 :
« Following your above-referenced letter, we have reviewed the technical documentation associated to supplemental type-certificate (STC) 10068537 Issue 0 regarding the operation of this A330-200 cabin configuration with a minimum of 6 cabin crew.
As a result, we decided to address this topic together with the certificate holder and reached the following conclusion:
The configuration covered by STC 10068537 does not allow the operation of the aircraft with a number of cabin crew below the limit set in the aircraft TCDS (i.e. 8 cabin crew). » En français cela donnerait peu ou prou ceci : « Bien qu’Air France profite d’un “STC” pour écrire “6”, le constructeur Airbus (= “certificate holder”) et nous-même l’EASA, ben on dit que c’est “8”, parce que c’est 8 dans le TCDS et qu’on ne peut pas profiter du fait qu’on change la disposition et le nombre de sièges en cabine pour s’assoir sur les limites écrites dans la “carte grise” sans repasser par les “mines”. Pour cela, il faudrait refaire une démonstration d’évacuation. »
C’est donc un véritable camouflet pour Air France qui reste l’une des rares compagnies à vouloir appliquer « sa loi du grand-père », inventée pour la circonstance. Même la compagnie SAS, qui était dans la même situation, sentant le vent du boulet venir a mis à jour son MANEX début septembre pour l’A330. Et maintenant ?
Air France devrait revenir à la raison pour l’A330 le 1er décembre prochain. La séquence permettant de remettre de l’ordre, uniquement pour l’A330 à ce jour, aura donc été longue et fastidieuse, mais elle était indispensable pour un syndicat plus soucieux de Sécurité des Vols que de connivence avec la direction : l’assignation devant la justice a permis l’obtention de documents officiels qui, une fois présentés à l’EASA, ont été invalidés et déclarés non règlementaires.
Le dossier n’est pas clos pour autant : il reste les B777-200 et les B777-300 pour lesquels le nombre minimum de PNC réglementaire indiqué par Air France dans ses MSS n’est pas conforme à la réglementation. La Sécurité des Vols ne devrait pas avoir à se défendre par petits pas. Pourtant, faute de soutien des autres organisations pilotes pour établir un rapport de force avec une direction qui ne jure que par l’optimisation de ses recettes en toute liberté, c’est équipé de son bâton de pèlerin, de patience et d’abnégation, qu’ALTER fait son travail, le travail que tout syndicat pilote devrait mener.